Du nouveau dans les règles applicables au report et à l'indemnisation des congés annuels non pris des agents territoriaux

Prenant le relais de la jurisprudence administrative, le décret n°2025-564 du 21 juin 2025, vient préciser, notamment, les règles applicables relatif aux régimes dérogatoires de report et d’indemnisation des droits à congé annuel de tous les agents de la fonction publique territoriale.
Le décret relatif aux régimes dérogatoires de report et d’indemnisation des droits à congé annuel est entré en vigueur le 23 juin 2025. Il est donc d’application immédiate pour les congés annuels non pris du fait d’un congé pour raisons de santé (CMO, CLM, CLD, congé grave maladie, CITIS, congé pour accident de service).
Attention ! Les règles de report de congés annuels non pris du fait d’un congé lié aux responsabilités familiales ou parentales comportent des règles particulières d’application dans le temps (art. 11 du décret).
Dans ce dernier cas, ces dispositions du décret du 21 juin 2025 ne seront applicables qu’aux agents dont le droit au report peut être constaté à raison d’un congé « familial ou parental », dont le terme est postérieur à la date du 24 avril 2024[1].
Le décret s’applique aux titulaires et aux contractuels. Les nouvelles règles issues de ce décret modifient en conséquence l’article 5 du décret n°85-1250 du 26 novembre 1985 relatif aux congés annuels des fonctionnaires territoriaux (insertion d’un article 5-1 et 5-2), mais aussi le décret n°88-145 du 15 février 1988 applicables aux agents contractuels territoriaux (les alinéas 2 à 5 de l’article 5 sont supprimés).
Le régime dérogatoire des agents contractuels est aligné sur celui des fonctionnaires territoriaux, puisque le nouvel article 5 du décret n°88-145 ne comporte plus que la disposition suivante : « L’agent contractuel en activité a droit, dans les conditions prévues par le décret n° 85-1250 du 26 novembre 1985 relatif aux congés annuels des fonctionnaires territoriaux, à un congé annuel dont la durée et les conditions d’attribution sont identiques à celles du congé annuel des fonctionnaires titulaires. »
Le décret reprend certaines des règles déjà posées par la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne[2] et du Conseil d’Etat[3], à l’exception des modalités d’assiette et de calcul de l’indemnité compensatrice pour congé annuel non pris en fin de relation de travail qui sont désormais clarifiées.
[1] L’article 11 du décret vise la date d’entrée en vigueur de la loi n°2024-364 du 22 avril 2024, publiée au JORF du 23 avril 2024. Entrée en vigueur le lendemain du jour de la publication. |
!! Les règles dégagées par la Cour de justice de l’Union européenne, à partir de la Directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003, ayant une portée supranationale, elles continueront à s’appliquer en droit interne.
A toutes fins utiles, rappelons que ces règles sont dérogatoires au droit commun. En principe, les agents n’ont droit, ni au report de leurs congés annuels, ni au versement d’une indemnité compensatrice des congés annuels non pris.
Les reports de congés annuels non pris
A quelles conditions ?
Un agent peut reporter ses congés annuels lorsqu’il est empêché de les prendre à cause :
- D’un congé pour raison de santé (maladie, accident),
- Ou d’un congé lié aux responsabilités parentales ou familiales (maternité, paternité, parental, aidants, etc.),
- Des raisons de services.
Dans quelles limites ?
- La période de report est limitée à 15 mois, à partir de la date de reprise des fonctions. Cette durée peut être prolongée de manière exceptionnelle par décision de l’autorité territoriale.
- Le report est limité aux 4 premières semaines de congés annuels non pris (soit 20 jours ouvrés par an au maximum), à l’exclusion du cas où l’agent a bénéficié du report d’un congé lié à des responsabilités familiales ou parentales.
Exemple : Un agent se trouve en congé de maladie du 1er septembre 2024 au 31 janvier 2025. Sa reprise de fonctions est intervenue le 1er février 2025. Il lui reste 15 jours de congés annuels au titre de l’année 2024. A compter de sa date de reprise le 1er février 2025, l’agent pourra poser ces 15 jours de congés non pris en 2024 pendant une période de 15 mois, soit jusqu’au 30 avril 2026.
L’indemnité compensatrice de congés annuels non pris
A quelles conditions ?
- Uniquement lorsque l’agent (titulaire ou contractuel) n’a pas été en mesure de prendre ses congés annuels acquis avant la fin d’une relation de travail[4].
Cela couvre, notamment : Les fins de contrat des agents en CDD ; la mutation, le décès (au bénéfice des ayants-droits), le licenciement pour inaptitude physique et pour insuffisance professionnelle, la rupture conventionnelle, la retraite, le cas où l’agent n’a pu bénéficier de ses congés annuels en raison du refus de son employeur …
[4] Pour mémoire, l’article 7§2 de la directive de l’UE précitée indique : « La période minimale de congé annuel payé (20 jours/an) ne peut être remplacée par une indemnité financière, sauf en cas de fin de relation de travail. » |
Toutefois, toutes les hypothèses de fin de relation de travail sont susceptibles d’être concernées selon le droit de l’Union européenne (UE) qui prime en la matière sur le droit national. S’agissant du droit à l’indemnité compensatrice de congés annuels non pris en fin de la relation de travail, la CJUE est très claire :
« En ce qui concerne l’article 7§2 de la directive 2003/88, il ressort de la jurisprudence de la Cour que cette disposition ne pose aucune condition à l’ouverture du droit à une indemnité financière autre que celle tenant au fait, d’une part, que la relation de travail a pris fin, et, d’autre part, que le travailleur n’a pas pris tous les congés annuels auxquels il avait droit à la date où cette relation a pris fin. Ce droit est conféré directement par ladite directive et ne saurait dépendre de conditions autres que celles qui y sont explicitement prévues[5]. »
La CJUE admet, néanmoins, que l’agent puisse être privé de ce droit à indemnisation, s’il a été dûment et préalablement avisé par l’autorité territoriale, en temps utile, de la possibilité de poser ces congés annuels[6]. La charge de la preuve pesant sur l’autorité territoriale, elle devra, le cas échéant, assurer cette information complète, de manière expresse et par un moyen donnant certaine à la notification de celle-ci à l’agent[7].
[5] CJUE, C-619/16, 6 novembre 2018. Sebastian W. Kreuziger v Land Berlin. |
Selon le droit de l’UE, l’indemnité compensatrice sera donc aussi versée à l’agent, en cas de démission[8] (voire étendue au licenciement pour faute disciplinaire[9]), sauf s’il n’a pas souhaité prendre ses congés annuels, alors que l’autorité territoriale l’avait préalablement avisé, en temps utile, de ces droits à les poser.
Une clarification par le pouvoir réglementaire des cas dans lesquels l’indemnité compensatrice pourra être versée en fin de relation de travail serait bienvenue, notamment pour le cas d’une cessation anticipée des fonctions pour motif disciplinaire. En effet, le droit de l’UE, telle qu’interprété par la jurisprudence de la CJUE, plaide pour une extension du droit à une indemnité compensatrice de congés payés, y compris dans ce cas.
[8] Le versement de cette indemnité était expressément prévu en cas de démission pour les agents contractuels par l’ancien article 5 alinéa 2 du décret n°88-145 du 15 février 1988, supprimé par le nouveau décret 2025-564 du 21 juin 2025. L’indemnisation en cas de démission avait d’ailleurs été intégrée sous l’effet de la jurisprudence administrative, appliquant le droit de l’UE (Voir TA de Strasbourg, 8 octobre 2020, n° 1804376, AJFP 2021. 173). [9] CAA de MARSEILLE, 9ème chambre, 15/09/2020, 18MA03537 – pas d’indemnisation – retraite d’office -sanction. Exclusion aussi pour les contractuels en application de l’ancien article 5 alinéa 2 du décret du 15 février 1988 désormais supprimé par le nouveau décret 2025-564 du 21 juin 2025. |
Quelle indemnisation ?
- L’indemnisation maximale est fixée à 20 jours par année civile pour 5 jours de travail par semaine[10]. Peuvent être indemnisés les congés annuels non pris bénéficiant d’un report légal + ceux acquis pendant l’année civile au cours de laquelle intervient la cessation d’activité professionnelle de l’agent.
Exemple : un agent (temps complet) licencié pour inaptitude physique à compter du 1er juin 2025 bénéficie de 20 jours de report légal au titre de l’année 2024 et de 10,5 jours indemnisables au titre de l’année 2025. Il sera indemnisé à hauteur de 30,5 jours.
!! Le plafond d’indemnisation de 20 jours de congés annuels non pris par année civile ne s’applique pas à ceux conservés par l’agent à la suite d’un report de congés annuels acquis dans le cadre d’un congé lié à des responsabilités familiales ou parentales.
Rappel : cela ne concerne que les congés liés à des responsabilités familiales ou parentales, dont le terme est postérieur au 24 avril 2024.
[10] Cela correspondant à la durée minimale de quatre semaines de congés annuels imposée par le droit de l’Union européenne – Directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail – article 7. |
- Les règles de calcul sont précisées par arrêté du 21 juin 2025, entré en vigueur le 23 juin 2025.
!! Ces règles s’appliquent désormais aussi aux agents contractuels en fin de contrat. Elles remplacent les règles visées aux alinéas 2 à 5 du décret n° 88-145 du 15 février 1988. Elles sont d’application immédiate.
L’arrêté du 21 juin 2025 relatif aux modalités d’assiette et de calcul de l’indemnité compensatrice pour congé annuel non pris en fin de relation de travail dans la fonction publique territoriale vient préciser les modalités de calcul de l’indemnité compensatrice pour congés annuels non pris en fin de relation de travail.
La rémunération mensuelle brute prise en compte pour le calcul de l’indemnité compensatrice de congé annuel non pris en fin de relation de travail correspond à la dernière rémunération versée au titre de l’exercice effectif des fonctions sur un mois d’exercice complet. Le cas échéant, cette rémunération tient compte des évolutions de la situation statutaire ou indemnitaire de l’agent qui sont intervenues entre la dernière date d’exercice effectif des fonctions et la date de fin de relation de travail.
La rémunération prend en compte :
- Le traitement indiciaire brut,
- L’indemnité de résidence,
- Le supplément familial de traitement,
- Les primes et indemnités réglementaires, sauf celles expressément exclues, à savoir :
- Les primes exceptionnelles ou liées à l’évaluation (exemple Complément Indemnitaire Annuel),
- Les remboursements de frais,
- Les participations au financement des garanties de la protection sociale complémentaire
- Les indemnités liées à la mobilité ou à une affectation temporaire,
- Les indemnités pour activité accessoire,
- Les heures supplémentaires ou complémentaires (sauf si elles sont annualisées).
L’indemnité est calculée au prorata du nombre de jours non pris, selon la formule suivante : Rémunération brute mensuelle x 12 / 250 x nombre de jours de congés non pris.
!! A noter que ce montant est soumis aux prélèvements sociaux (CSG, CRDS…).
Exemples
Cas n° 1 :
CDD du 1/01/2023 au 31/12/2025 (emploi permanent). Perçoit un salaire brut de 3000 euros. Agent en arrêt de maladie du 1er août 2024 au 31 décembre 2024. Il n’a pu poser 15 jours de congés annuels acquis au titre de 2024. Il reprend ses fonctions au 1er janvier 2025. A la date de sa reprise, il dispose d’une période de report de 15 mois pour les prendre.
Le 1er août 2025, il est de nouveau en arrêt maladie jusqu’à la fin de son contrat (31/12/2025). Il n’avait posé que 10 jours de congés annuels en 2025. Il lui reste donc 15 jours au titre de 2025.
Calcul du nombre de jours indemnisables :
- 2024 : 15 jours (car < au plafond indemnisable de 20 jours par an + congés non pris de 2024 étaient encore susceptibles d’être posés pendant la période de report de 15 mois).
- 2025 : 15 jours (car < au plafond indemnisable de 20 jours par an)
L’indemnité compensatrice de congés payés annuels non pris sera égale à : 3000€ x 12/250 x 30 jours = 4320 €.
Cas n° 2 :
CDD accroissement temporaire d’activité de 12 mois du 1er mars 2025 au 28 février 2026. Salaire brut : 2000 €.
L’agent est en arrêt maladie du 1er juin 2025 au 31 juillet 2025 et du 10 décembre 2025 au 26 décembre 2025. Il reprend ses fonctions le 27 décembre 2025. Il lui restait 3 jours de congés annuels au titre de 2025. A la date de sa reprise, les 3 jours sont susceptibles de report pendant 15 mois, en théorie. En pratique, le contrat se terminant au 28 février 2026, il n’aura donc qu’un peu plus 2 mois pour les prendre.
Compte tenu des nécessités de service, l’autorité territoriale ne l’autorise pas à poser de congés annuels entre le 27 décembre janvier 2026 et le 28 février 2026. Il ne pourra donc pas poser les 3 jours de congés acquis en 2025 et les 4 jours de congés annuels acquis pendant les deux mois d’activité de 2026.
Calcul du nombre de jours indemnisables :
2025 : 3 jours (car < au plafond indemnisable de 20 jours par an)
2026 : 4 jours (car < au plafond indemnisable de 20 jours par an)
L’indemnité compensatrice de congés payés annuels non pris sera égale à : 2000€ x 12/250 x 7 jours = 672 €.
Cas n° 3 :
Un adjoint technique titulaire, à temps complet, perçoit un salaire brut de 2000 €. Il prend un congé parental à compter du 1er juin 2024. Il est renouvelé jusqu’au 31 décembre 2025. Au titre de l’année 2024, il lui reste 3 jours de congés annuels qu’il n’a pu prendre.
Il reprend son service à compter du 1er janvier 2026. Il décide de démissionner. Sa démission est acceptée par l’autorité territoriale à effet du 1er juin 2026.
Toutefois, pour nécessités de service, il ne peut poser tous les congés annuels acquis en 2026. Il lui reste 5 jours sur son contingent 2026.
Calcul des jours de congés annuels indemnisables :
- 2024 : 3 jours (car < au plafond indemnisable de 20 jours par an)
Les 3 jours de congés annuels n’ont pas été pris en raison d’un congé parental dont le terme est postérieur au 24 avril 2024 (donc application des nouvelles règles du décret n° 2025-564 du 21 juin 2025).
Les 3 jours acquis en 2024 peuvent être reportés pendant 15 mois à compter du 1er janvier 2026, date de reprise des fonctions. Etant susceptibles d’être pris, ils sont indemnisables en cas de fin de relation de travail intervenant avant la fin de la période de report.
- 2026 : 5 jours
L’agent n’a pu poser les congés acquis du fait de l’autorité territoriale, ils ouvrent droit à indemnisation en cas de fin de relation de travail.
L’indemnité compensatrice de congés payés annuels non pris sera égale à : 2000€ x 12/250 x 8 jours = 768 €.